Les couvertures

Puisque la température nocturne baissait parfois en dessous du point de congélation, il ne nous a suffi que d’une nuit pour comprendre que nos sacs de couchage 0 à -5 degrés recouverts d’une maigre couverture pour nous deux ne suffisaient pas à nous protéger de l’humidité poignante qui, vers les 2 heures du matin, pénètre les os et enserre le corps dans une froide moiteur très inconfortable. Aussi nous sommes-nous dès le 2e soir recouverts de trois couvertures de laine chacun. Bien emmitouflés dans le sac de couchage momie complètement refermé, nous pouvions sentir le rebord rugueux et ensablé des couvertures nous frotter généreusement le nez et, ainsi recroquevillés dans ce lourd amas de tricot serré fleurant bon le dromadaire vigoureux, nous nous endormions, dans mon cas, jusqu’à la prochaine envie de pipi.

Vincent a pour sa part développé dans le but de contrer l’inévitable chute des couvertures au cours de la nuit un système fort ingénieux mais, ma foi, complexe, qui consistait à littéralement farcir son sac de couchage avec les trois couvertures de laine. Inutile de dire que la dextérité requise pour réussir cette « farce », c’est-à-dire éviter la formation de mottons et ensuite parvenir à s’y insérer sans faire exploser le tout, est assez déroutante. Généralement, au bout d’une quinzaine de minutes de sparages, stepettes et autres prouesses contorsionnistes accompagnées de sacres refoulés, seule sa tête finissait par émerger de ce qui ressemblait dès lors à un gros saucisson, dans lequel il était confiné, immobile, jusqu’au lendemain matin. Exit donc dans son cas toute possibilité de pipi nocturne ou d’autres soulagements intestinaux du même acabit.

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Le chèche

Le chèche est le must de toute randonnée dans le désert. Cette bande de coton longue de 3 ou 5 mètres (plus généralement de 3), qui est vendue dans des couleurs variées mais qui semble avoir surtout la cote auprès des semi nomades en blanc, beige, vert kaki et, parfois aussi, bleu touareg, est utile à plus d’un égard. En plus de protéger contre le sable, le soleil, le froid, les mouches et le vent, le chèche permet de cacher astucieusement les cheveux devenus grassouillets au fil des jours (de là également l’avantage de porter les cheveux très courts comme nos hôtes) et, lors des grandes chaleurs, il n’est pas sans vertus rafraîchissantes.

La technique classique d’enroulement du chèche permet à ce dernier de recouvrir non seulement la tête, mais aussi la nuque, les tempes et même le cou. Si les néophytes que nous sommes avons veillé chaque matin avec un soin orthodoxe à enrouler notre chèche dans les règles de l’art (et à nous assurer de notre bonne mise tout au long de la journée en nous demandant : « mon chèche es-tu correct? » laquelle question ne pouvait aller dans mon cas sans un « j’ai-tu trop l’air d’un Conehead? », queue de cheval aidant), nous avons tôt eu fait de constater que nos hôtes, pour qui l’art du chèche n’avait plus aucun secret, faisaient montre d’une rapidité, d’une dextérité et d’une polyvalence de port incroyables. Le chèche peut en effet se porter non seulement à la saharienne, mais aussi à la bédouine, c’est-à-dire de la même manière que le kefieh, dont Yasser Arafat fut le plus célèbre ambassadeur, à l’égyptienne, soit en turban de style Aladin, ainsi qu’avec une variété de plis, de tourbillons et de retourbillons qui contribuent à donner à chacun son style personnel.

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