Univers minéral, le Grand erg oriental dans lequel nous avons fait incursion est avant tout un univers de sable. Ce sable, d’une infinitésimale petitesse et d’une finesse inouïe, recouvre tout, pénètre tout, colle à tout et érode tout : la peau, les vêtements, l’intérieur des sacs, la nourriture, les cheveux, les chaussures, les couvertures, les bouteilles d’eau, les pages de carnet, les lunettes et, ce qui peut lui être fatal, l’appareil photo. Cette mer rugueuse, car Théodore Monod a bien raison de comparer le Sahara à la mer, s’approprie ainsi tout ce qui lui est extérieur.

Cette omniprésence du sable, les habitants du désert ont su en tirer avantage. Ainsi, à défaut d’eau, nous lavions nos assiettes, verres et ustensiles à même le sable. La technique permet un nettoyage parfait, à condition que ce qui reste de nourriture soit encore humide. Si c’est le cas, il suffit de plonger l’article de cuisine en question, ou même les mains, dans la dune, et de frotter en effectuant des petits mouvements circulaires. Ce qui reste de sauce, de thé ou de pulpe de fruit est alors absorbé par le sable, et au bout de quelques secondes, l’assiette est propre. Une technique tout à fait écologique, mais à déconseiller, il va sans dire, aux propriétaires de porcelaine de Limoges ou de cristal de Bohème.

Le fait que le sable ne soit pas inflammable permet également aux chameliers d’allumer des feux là où bon leur semble, ceci sans qu’il ne leur soit nécessaire d’entourer ce feu d’un cercle de pierres protectrices, tel qu’il est d’usage dans nos forêts boréales. Lorsque des cendres entourées de pierres (inutiles) sont repérés, nous pouvons donc être certains que ce ne sont pas des hommes du désert qui les ont allumés.

Les pentes douces des petites dunes tendres constituent par ailleurs d’alléchants matelas pour qui ressent le besoin, au terme du copieux repas du midi, de se payer le luxe gratuit d’une petite sieste à l’ombre d’un buisson rabougri et effeuillé. Lorsqu’il est recouvert d’une couverture, ce dernier devient alors un moelleux havre ombragé au sein duquel il est aisé de se mettre à ronfler. Cela s’applique évidemment autant aux dromadaires qu’aux hommes.

Remplis de sable et enterrés dans le sol, les sacs vides constituent d’efficaces ancres auxquels peuvent être attachés les jeunes dromadaires trop espiègles ou les mâles en rut.

Le sable volontairement ou non mélangé avec toute forme de crème, de lotion ou de liquide nettoyant, constitue en outre un exfoliant fort apprécié de l’Occidentale en mal de douche. De façon plus générale, l’air sec du désert ainsi que les propriétés « érodantes » du sable contribuent à minimiser les conséquences gênantes résultant d’une accumulation de journées sans bain ni douche (croûte de crasse, ongles noircis, pieds humides et nauséabonds ou autres effluves corporelles douteuses) et, en ce qui concerne les dromadaires qui parfois s’y roulaient avec un plaisir évident, à en faire un grattoir de choix.

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