Tunisie : Lettre à Bouazizi

Je fais partie de ces lâches qui ne sont pas descendus dans la rue, qui n’ont pas réellement réagi face à la crise vécue au sud, sans doute parce que je fais partie de cette catégorie de gens qui ne se sentent concernés que quand ça les touche de plein fouet. Je n’ai pas non plus répondu présent à la grande manifestation sans doute parce que j’ai longtemps été convaincu que devant l’impunité dont jouissait notre ex président dictateur, le nombre de mort ne l’arrêtera pas et il continuera jusqu’à ce que la crise s’arrête. Mais c’était sans compter sur un élément auquel j’ai toujours du mal à croire et sans lequel sans doute le pays ne se serait jamais libéré, à savoir la conscience présente de nos militaires que je salut réellement.

La liberté de la Tunisie on la doit à mes yeux à Bouazizi, que beaucoup ont traité de suicidaire, un grand sage même du Caire a fait une prière pour que son suicide lui soit pardonné parce qu’il a libéré tout un peuple oppressé, mais a mes yeux Bouaziz ne s’est pas suicidé, dire qu’il l’a fait, c’est ne rien comprendre au courage de ce personnage, de ce mythe qui mériterait à lui seul une statue, qui mériterait que son nom soit donné à plusieurs rue afin que toutes les générations prochaines puissent à tout jamais se rappeler a qui ils doivent leur liberté.

Bouzizi s’est immolé devant la foule, en public, il aurait réellement voulu se suicider, il se serait jeté devant un train ou accroché à un poteau électrique, deux façons de mourir quasi instantanément, mais il a décidé de se brûler ! choisir la méthode la plus cruelle qui soit pas a 100% sur de lui donner la mort, prouve a quel point le jeune homme souffrait, car il était bien conscient qu’il pouvait échapper à la mort et vivre avec des brûlures toute la vie. Des brulures qui peuvent briser ses rêves et ses ambitions à tout jamais. J’ai du mal à imaginer la souffrance et le désespoir que peuvent conduire une personne à s’immoler, se retrouver devant un mur infranchissable parce qu’on vendra jamais notre âme au diable, le mur de la corruption, le mur que seul ce qui ont vendu leur âme au diable et qui n’ont aucun mal à tourner leur veste le lendemain ont l’habitude d’escalader tous les jours.

Bouaziz en choisissant de le faire en public ce n’était pas un hasard. C’était par désespoir qui voulait interpeller le peuple, le désespoir guidé quand même par une lueur d’espoir. il l’a fait en public parce qu’il voulait qu’on le voit qu’on le sauve, il voulait changer les choses, il voulait pas mourir, il a fini par succomber à ses blessures, nuances. Ce brave, ce soldat de la liberté, ce soldat de la vertu, ce soldat continuait d’y croire malgré que tout autour de lui n’était que corruption et injustice.

Bouaziz je m’adresse a toi en espérant que quelque part tu me vois, de la haut, dis-moi, je suis sûr qu’au fond de toi tu t’attendais pas à ce que ton cri de désespoir soit derrière tout cela, t’y as pas cru car hélas ce régime dictateur a réussis à faire élever en chacun de nous cette forme de désespoir du lendemain. On se réveille sans trop savoir pourquoi en sachant que la corruption est partout, que la liberté n’existe pas, et qu’il n’y a pas réellement de véritable raison de vivre dans un monde où on n’est pas libre. Mais on continue de faire semblant que la vie continue. On y croit plus. Mais ton geste a tout changé à tout basculé.

Je parle souvent du japon en disant le pays du soleil levant ironisant ma phrase qui se termine par « et la Tunisie est celui du soleil couchant », je suis content d’avoir eu tort, tu as fait en sorte que le soleil se lève enfin en Tunisie. Le soleil de l’espoir, de la liberté, du courage, le soleil qui a mis fin à la peur face à la dictature. Je suis content que ton courage ainsi que celui de tous ce qui ont suivi, ont détruit notre désespoir pour le remplacer non pas juste par une lueur d’espoir, mais par l’espoir de toute un peuple qui a pris le contrôle total de l’univers de nos pensées. Tu es derrière tout cela mon vieux, et oui, et de la haut j’espère que t’es fier, fier de ce qui ont hurlé ton nom, fier de ce qui se sont battus pour que plus jamais la Tunisie ne puisse laisser de côté qui que ce soit.

La route pour la liberté est encore longue mais le peuple que tu n’a pas abandonné, au contraire, ce peuple qui se lève tous les jours en se rappelant ce que t’as fait, se battra et à déjà fait savoir que rien ni personne ne l’empêchera d’atteindre cette liberté cette dignité à laquelle t’espérais. Bouaziz sache que même si de ton vivant tu n’as pas connu cette dignité que tu méritais tant, sans toi, aucune personne a l’heure actuel ne songerait à la connaitre pour de bon.

Pour terminer, je suis heureux car je sais qu’a l’avenir plus jamais je ne permettrai à quiconque de m’empêcher de me battre, quel que soit ce qui nous attend. J’ai laissé un dictateur brisé en moi toute forme d’espoir concernant ce pays, mais toi Bouazizi tu m’as redonné cet espoir, je t’en remercie, et sache qu’on se battra pas pour une pseudo démocratie à la française, une démocratie à deux vitesse ou la justice existe en deux versions, une pour les riches, et une pour les pauvres. Sache que ton combat nous mènera vers le sens noble de la démocratie, cet démocratie ou la justice sera la même pour tous peu importe son statut social.

Tout ça on te le doit Bouazizi, et a tous nos martyres. Sans oublier le courage de tous ce qui ont manifesté malgré la répression, que le bon dieu veille sur ton âme ainsi que celle de tous nos martyres, on vous oubliera jamais.

Anis Zarraa
Tunisie : Lettre à Bouazizi
Paru sur Nawaat.org le 17 janvier 2011

Commentaires