Sabria est une bourgade située à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Douz. Depuis plusieurs générations, les familles anciennement nomades y sont sédentarisées sur des parcelles de terrain identiques données par l'Etat. Les enfants vont à l'école, les femmes assurent les tâches ménagères, tissent la laine et nourrissent le petit bétail enfermé dans des enclos de fortune. Les hommes entretiennent leur coin de palmeraie et beaucoup travaillent pour le tourisme. C'est à eux et aux chameliers de Douz qu'a été réservé le droit de conduire les caravanes dans le désert. C'est à ces équipes, entre autres, que Tahar téléphone pour encadrer les circuits et, souvent bien avant l'arrivée des groupes, Midani, Hédi, Brahim, Abdala, Mohamed bâtent leurs dromadaires et se mettent en route vers le point de rendez-vous.

A la sortie du village se tient une maison amie occupée précisément par Mohamed, Messaouda son épouse et leurs six enfants encore près d'eux. L'extérieur est peint en blanc et le regard est attiré par un boisseau de brique rouge, vide, posé en longueur au bord du toit.

Qu'est-ce donc?
- Ah! vous avez remarqué... c'est pour les pigeons de Boubaker, répondent en riant Fathi et Ali, les aînés des garçons, tout en jetant un coup d'œil complice à leur jeune frère, un peu en arrière.

Boubaker est un adolescent aux yeux vifs dont les brillants résultats scolaires étaient affichés encore récemment sur les murs de la pièce principale et fièrement commentés par la famille. A l'âge où, en France, on commence à rouler en scooter, on accumule CD et DVD et teste les derniers jeux vidéo, Boubaker, lui, a émis le souhait d'avoir un couple de pigeons et ses parents ont pu lui faire ce plaisir.

Justement voici les héros, de retour d'équipée lointaine, qui piquent vers leur nid. Et on roucoule au bord du toit et on soulève ses plumes chatoyantes et on gonfle le jabot avant de s'élancer sur le sable de la cour picorer quelques grains laissés par la mule et se pavaner sous les yeux de Boubaker, ravi.

Frimez, mes petits, faites briller les reflets mordorés de vos plumes et profitez bien de la douceur du soir. Dans quelques jours viendra le moment de vous activer autour du nid et d'y déposer des œufs, promesses d'une belle descendance. Je connais un jeune garçon qui alors sera le plus heureux du monde...

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