Comment décrire ce voyage. Difficile. Il faut l’avoir vécu pour comprendre toute l’intensité de ces paysages, toute la sérénité qui s’en dégage. Je reviens transformée, mais par quel miracle. La peur m’envahissait avant de partir, peur des bêtes, peur du manque d’hygiène, peur d’attraper quelque chose….etc….et à la descente de l’avion, l’arrivée à Djerba, le lendemain le départ pour Douz en petit car, puis après le restaurant le départ en 4/4 pour l’inconnu à 70 kilomètres de Douz en plein désert. Et l’immersion immédiate à 15 h 30 débarqués du 4/4 avec nos bagages devant 5 chameliers et 11 dromadaires….. Pas de temps à perdre on marche. Donc pas de question à se poser, les bagages sont arrimés sur les bêtes, pas un mot, et on marche….. Il n’y a rien à demander, il faut suivre. Et là curieusement tout s’envole, plus de peurs, plus de questions. Il faut y aller….. la marche dure environ une heure et demi, et déjà on se retrouve au milieu de nulle part. Du sable du sable et encore du sable. Ce sera notre univers pendant 5 jours pleins.

Le camp est vite monté par les nomades. Rien de bien compliqué, quelques piquets de bois de dimensions prévues par eux…. Une simple toile apparemment en laine. Une tente berbère des plus rustique. Et voilà. 6 matelas disposés à même le sable et voilà le campement est fait. Nous devons chercher du bois pour faire le feu afin de préparer le repas. Cela aussi sera notre lot de tous les jours, deux fois par jour. Midi et soir, celui du matin étant mis de côté, car on se lève tôt. Et lorsque nous nous levons les chameliers eux sont déjà autour du feu à préparer notre thé, café et à faire le pain.(ou molla) Ce dernier est fait 3 fois par jour par Ali. Malaxage dans une sorte de cuvette, simplement farine eau et sel et cela malaxé d’une certaine manière, puis aplati et mis dans la braise, une galette en fait, avec parfois du sable dedans et qui craque sous les dents, et aussi des petits morceaux de bois qui ne sont pas partis en sortant de la braise. Mais que c’est bon !

Voilà donc notre première nuit après la chorba toute simple de la veille. Des légumes dans de l’eau, des épices et des pâtes. Ce menu sera lui aussi toujours identique, avec parfois, de l’orge, ou des céréales différentes. On la trouvera toujours excellente. De toutes façons il n’y a rien d’autre. Trois au quatre dattes en dessert, un thé vert pour ceux qui veulent et hop au lit. On ne traîne pas, nous sommes fatigués.

Il faut se caler dans le duvet sarcophage, avec le sac de soie, le pyjama polaire, les chaussettes. Et hop jusqu’au lendemain matin au lever du soleil. Là les premiers burnous se promènent derrière les dunes, tout en silence, tout en douceur, chacun vaque à ses petits besoins naturels… s’il y a des traces d’un côté on bifurque de l’autre. Moi qui pensais que cela me poserait un problème…eh bien tout se fait naturellement. Les burnous prêtés par les chameliers nous permettent d’évoluer dans le désert comme des ombres, et de s’accroupir sans souci des regards indiscrets.

Les petits déjeuners se font aux alentours de 7 heures et demie 8 heures, et pendant que nous terminons, les chameliers commencent le chargement des dromadaires. Ils ont chacun leur rôle, et là aussi tout se passe sans que rien ni personne n’interviennent en donnant des ordres ou des directives, tout se fait sans soucis, sans problèmes, sans heurts, en silence…. Seuls quelques discussions s’installent parmi nous, et nous attendons qu’ils nous demandent un coup de main s’ils ont besoin. Autrement ils font tout, démontent la tente range les ustensiles de cuisine, remettent les sacs en place. Et quand tout est prêt, la caravane se met en route. La marche est silencieuse ou parfois des rires s’échappent. Les discussions sont sereines, jamais de mots plus haut. Comme cela fait du bien. Comme tout paraît simple.

Le midi le rituel est le même. A l’arrêt, souvent prévu par Khalifa, le plus âgé, il faut aller récupérer le bois. C’est devenu un rite, une habitude, une obligation aussi, car sans bois pas de feu et pas de cuisine. Le tas est souvent très haut, mais il brûle vite. Les légumes sont épluchés, cuits, et le repas a lieu autour d’un tapis, nous sommes tous assis autour. Nous, nous avons droit aux assiettes, les chameliers nous servent et ensuite ils mangent ensemble autour d’un plat en se servant directement dedans. Le thé est servi à chaque repas et voilà on repart, on recharge les bêtes et l’après midi continue dans la douceur et parfois dans le vent. Jusqu’au mercredi je marche, et puis je suis fatiguée et je demande à monter sur un dromadaire. Il s’appelle Alexandre et c’est celui d’Ali. J’y suis tellement bien, que je terminerai le voyage à dos de chameau. Le balancement, l’impression d’être seule au monde, perchée sur cet animal m’enivre un peu J’y suis bien et j’y resterai jusqu’au vendredi soir. Je changerai de bête car Alexandre a un abcès à la cuisse arrière et ne portera plus personne ensuite. Il était gentil ce chameau, je l’ai guidé presque une journée entière, car Marcelle elle s’était fait mal au pied et a fait du chameau tout le séjour. Sur ces bêtes il faut laisser aller le corps, tout se fait naturellement, le mouvement est lent et très agréable.

Voilà c’était ni plus ni moins cela le but du voyage, marcher sur le sable, grimper les dunes, arriver à la montagne Tembaïn et respirer, reprendre l’énergie du désert pour soi.

Les soirées ensuite se sont animées un peu. Ali a sorti le tam tam et Isabelle a dansé la buiguine. Les chants, un peu n’importe quoi, en arabe ou en français, rythmés par le tam tam. Des rires pour des bêtises, de la joie, de l’énergie communicative du bonheur à l’état pur. C’est tout cela le désert. Peur de rien, plus d’angoisses, plus de questions plus de pourquoi comment, laisser vivre, laisser aller. Simplement vivre et être bien.

Difficile effectivement de comprendre tout cela quand on ne l’a pas vécu. Mais vraiment je reviens transformée. Heureuse et prête sans doute à dire oui au prochain voyage, en espérant en vivre un autre aussi fort, aussi merveilleux.
La température était de 25° environ le jour avec toujours un peu de vent et la nuit 1° mais avec les duvets pas de soucis. On avait seulement envie de rester au lit toute la nuit…. Pas envie de se lever pour un petit besoin, dont on ne peut pas se passer à la maison. La tout devient différent, le seul fait d’imaginer le froid dehors, on reste bien au chaud jusqu’au matin. La nuit parfois on entend les chameaux qui sont laissés en liberté, mais les pattes entravées Ils sont gentils et ne nous veulent aucun mal. Autant j’hésite à m’approcher d’un cheval, autant là je suis en confiance, il faut seulement ne pas mettre la main près de leurs grandes dents… Certains sont muselés, pas ceux d’Ali.

Et puis j’oubliai, les levers de soleil les couchers de soleil – le lever de la lune derrière les dunes. Du sable fin, d’une finesse qui ne dérange même pas les yeux quand il entre dedans… Du sable partout, dans les sacs, les chaussettes, les chaussures…. Mais qu’importe ! Comment ai-je pu vivre tout cela sans râler, sans avoir envie d’autre chose… Ce n’était que du bonheur tous les jours ……
Et puis aussi ne pas oublier de dire la gentillesse de ces chameliers, qui eux seuls savent où nous emmener, qui nous apprennent à lire l’heure avec un bâton dans le soleil, qui savent où s’arrêter pour trouver du bois et orienter la tente pour que le vent n’entre pas dedans… des petits riens, des attentions toujours, des regards qui en disent plus longs que tous les longs discours. Mon Dieu que j’ai trouvé bizarre le retour à la civilisation !!!!!

Noëlle
Marche au rythme des chameaux & Qi Gong – février 2009

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