Janvier 2011 - Paroles libres

La Tunisie, carrefour de la méditerranée, se trouve à un tournant de son Histoire après avoir accomplie ce qui paraissait encore impensable il y a deux mois à peine. Prouvant sa maturité et son caractère pacifique, façonné par sa riche Histoire, le peuple Tunisien a mené de front une révolution engendrée par l’acte courageux du jeune Bouazizi, qui s’immola pour exprimer sa profonde désespérance. Cette irrésistible force du peuple, spontanée, unie et soutenue par l’armée nationale, a donc conduit à l’éviction de l’ancien Président Ben Ali, fuyant le pays avec une partie de sa famille le 14 janvier 2011. La « révolution du jasmin » avait aboutie, comme l’on nommé les commentateurs, en référence à l’emblématique fleur de la Tunisie, au parfum si doux et agréable. Un parfum si enivrant que les Tunisiens, détenteurs de la révolution, ont refusé le gouvernement d’union nationale qui leur était d’abord proposé, les postes clés étant attribués aux membres de l’ancien régime.

Union sacrée

L’extraordinaire union des Tunisiens, de toute génération, de tout âge et de toutes les régions, s’est poursuivie après la date historique du 14 janvier pour affronter les milices de l’ancienne garde présidentielle. L’armée nationale, très populaire depuis qu’elle a joué pleinement son rôle de garde-fou républicain en refusant de tirer sur les manifestants, reçoit le soutien de la population. Des comités de quartiers se sont organisés par des jeunes et moins jeunes, des contrôles de véhicules se sont opérés pour assurer la sécurité alors que la police nationale avait perdue toute forme de confiance. Et puis, le formidable élan de solidarité de la révolution de jasmin se traduisait par des actions civiques qui consistaient à nettoyer les rues de tout types de déchets, offrir du ravitaillement aux soldats et contacter l’armée dès qu’un véhicule ou un milicien étaient repérés. Cette union sacrée du peuple Tunisien et le sentiment patriotique, enfin restauré, n’a certainement jamais été aussi fort depuis la lutte pour l’indépendance du pays. [...]

Slim DALI
Les Tunisiens doivent rester unis pour l'avenir
Paru sur Nawaat.org le 30 janvier 2011

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Tunisie : Lettre à Bouazizi

Je fais partie de ces lâches qui ne sont pas descendus dans la rue, qui n’ont pas réellement réagi face à la crise vécue au sud, sans doute parce que je fais partie de cette catégorie de gens qui ne se sentent concernés que quand ça les touche de plein fouet. Je n’ai pas non plus répondu présent à la grande manifestation sans doute parce que j’ai longtemps été convaincu que devant l’impunité dont jouissait notre ex président dictateur, le nombre de mort ne l’arrêtera pas et il continuera jusqu’à ce que la crise s’arrête. Mais c’était sans compter sur un élément auquel j’ai toujours du mal à croire et sans lequel sans doute le pays ne se serait jamais libéré, à savoir la conscience présente de nos militaires que je salut réellement.

La liberté de la Tunisie on la doit à mes yeux à Bouazizi, que beaucoup ont traité de suicidaire, un grand sage même du Caire a fait une prière pour que son suicide lui soit pardonné parce qu’il a libéré tout un peuple oppressé, mais a mes yeux Bouaziz ne s’est pas suicidé, dire qu’il l’a fait, c’est ne rien comprendre au courage de ce personnage, de ce mythe qui mériterait à lui seul une statue, qui mériterait que son nom soit donné à plusieurs rue afin que toutes les générations prochaines puissent à tout jamais se rappeler a qui ils doivent leur liberté.

Bouzizi s’est immolé devant la foule, en public, il aurait réellement voulu se suicider, il se serait jeté devant un train ou accroché à un poteau électrique, deux façons de mourir quasi instantanément, mais il a décidé de se brûler ! choisir la méthode la plus cruelle qui soit pas a 100% sur de lui donner la mort, prouve a quel point le jeune homme souffrait, car il était bien conscient qu’il pouvait échapper à la mort et vivre avec des brûlures toute la vie. Des brulures qui peuvent briser ses rêves et ses ambitions à tout jamais. J’ai du mal à imaginer la souffrance et le désespoir que peuvent conduire une personne à s’immoler, se retrouver devant un mur infranchissable parce qu’on vendra jamais notre âme au diable, le mur de la corruption, le mur que seul ce qui ont vendu leur âme au diable et qui n’ont aucun mal à tourner leur veste le lendemain ont l’habitude d’escalader tous les jours.

Bouaziz en choisissant de le faire en public ce n’était pas un hasard. C’était par désespoir qui voulait interpeller le peuple, le désespoir guidé quand même par une lueur d’espoir. il l’a fait en public parce qu’il voulait qu’on le voit qu’on le sauve, il voulait changer les choses, il voulait pas mourir, il a fini par succomber à ses blessures, nuances. Ce brave, ce soldat de la liberté, ce soldat de la vertu, ce soldat continuait d’y croire malgré que tout autour de lui n’était que corruption et injustice.

Bouaziz je m’adresse a toi en espérant que quelque part tu me vois, de la haut, dis-moi, je suis sûr qu’au fond de toi tu t’attendais pas à ce que ton cri de désespoir soit derrière tout cela, t’y as pas cru car hélas ce régime dictateur a réussis à faire élever en chacun de nous cette forme de désespoir du lendemain. On se réveille sans trop savoir pourquoi en sachant que la corruption est partout, que la liberté n’existe pas, et qu’il n’y a pas réellement de véritable raison de vivre dans un monde où on n’est pas libre. Mais on continue de faire semblant que la vie continue. On y croit plus. Mais ton geste a tout changé à tout basculé.

Je parle souvent du japon en disant le pays du soleil levant ironisant ma phrase qui se termine par « et la Tunisie est celui du soleil couchant », je suis content d’avoir eu tort, tu as fait en sorte que le soleil se lève enfin en Tunisie. Le soleil de l’espoir, de la liberté, du courage, le soleil qui a mis fin à la peur face à la dictature. Je suis content que ton courage ainsi que celui de tous ce qui ont suivi, ont détruit notre désespoir pour le remplacer non pas juste par une lueur d’espoir, mais par l’espoir de toute un peuple qui a pris le contrôle total de l’univers de nos pensées. Tu es derrière tout cela mon vieux, et oui, et de la haut j’espère que t’es fier, fier de ce qui ont hurlé ton nom, fier de ce qui se sont battus pour que plus jamais la Tunisie ne puisse laisser de côté qui que ce soit.

La route pour la liberté est encore longue mais le peuple que tu n’a pas abandonné, au contraire, ce peuple qui se lève tous les jours en se rappelant ce que t’as fait, se battra et à déjà fait savoir que rien ni personne ne l’empêchera d’atteindre cette liberté cette dignité à laquelle t’espérais. Bouaziz sache que même si de ton vivant tu n’as pas connu cette dignité que tu méritais tant, sans toi, aucune personne a l’heure actuel ne songerait à la connaitre pour de bon.

Pour terminer, je suis heureux car je sais qu’a l’avenir plus jamais je ne permettrai à quiconque de m’empêcher de me battre, quel que soit ce qui nous attend. J’ai laissé un dictateur brisé en moi toute forme d’espoir concernant ce pays, mais toi Bouazizi tu m’as redonné cet espoir, je t’en remercie, et sache qu’on se battra pas pour une pseudo démocratie à la française, une démocratie à deux vitesse ou la justice existe en deux versions, une pour les riches, et une pour les pauvres. Sache que ton combat nous mènera vers le sens noble de la démocratie, cet démocratie ou la justice sera la même pour tous peu importe son statut social.

Tout ça on te le doit Bouazizi, et a tous nos martyres. Sans oublier le courage de tous ce qui ont manifesté malgré la répression, que le bon dieu veille sur ton âme ainsi que celle de tous nos martyres, on vous oubliera jamais.

Anis Zarraa
Tunisie : Lettre à Bouazizi
Paru sur Nawaat.org le 17 janvier 2011

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Avez-vous déjà vu un pays aussi étrange que la Tunisie ?

Makrem Belaid
Avez-vous déjà vu un pays aussi étrange que la Tunisie ?
Paru sur Facebook le 22 janvier 2011

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Ma Tunisie vaut mieux que ça !

Ma Tunisie vaut mieux que ça !

Je m’abstiendrais de parler de politique, j’ai 27 ans et n’ai connu qu’un président ( les 4 dernières années de Bourguiba vu mon âge m’ont très peu marquée) tout ce que je sais c’est que notre président déchu avait pleins de petits surnoms « affectueux » Tonton , Zaba, Zinou, rajel el7ajama… et qu’ à chaque fois qu’il me prenait l’envie d’en parler, mes cordes vocales se serraient , ma voix aigue laissait place à un chuchotement quasi inaudible, et un toc digne d’une parano faisait bizarrement son apparition.

Par contre le sujet sur lequel je suis incollable, c’est les relations de couple. Ma Tunisie courageusement traverse actuellement un après divorce douloureux.

L’histoire commence comme un conte de fée basique, mais très vite les premiers signes de difficultés apparaissent. Les promesses d’efforts et de changements ne sont que des paroles en l’air, la confiance qu’elle avait en son homme diminue de jour en jour, elle fait des concessions mais elle est la seule à les faire. Par lâcheté, par peur du changement, et de l’inconnu, elle se voile les yeux et essaye de sauver les apparences en espérant que tout va s’arranger… mais rien ne s’arrange. Elle est humiliée, muselée, battue, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même et a atteint le point de non retour. Ma petite Tunisie prend son courage à deux mains et crie à son tiran « dégage » et réclame haut et fort le divorce.

Elle veut un changement de vie radical, elle veut faire table rase du passé, et soutient à qui veut bien l’entendre qu’elle mérite mieux que ça.

Le divorce a été déchirant, la procédure trop longue, son homme s’agrippait à elle et niait que leur histoire était finie. La menaçant et la violentant au début, il finit par céder en lui promettant les changements qu’elle avait tant espérés; mais sa décision était prise: elle ne veut plus de cette vie, elle ne veut plus de lui , trop de larmes ont été gaspillées, trop de sang avait coulé

Suite à son divorce, ma petite Tunisie fut prise d’une euphorie incontrôlable, elle était LIBRE… enfin libre et heureuse. Elle se sentait digne, forte et fière d’avoir eu le courage d’imposer son choix et d’y être arrivée malgré tous les obstacles. Plus rien ne pourrait dorénavant l’arrêter

Mais aujourd’hui elle découvre à ses dépens que tout n’est pas rose malgré le départ de son bourreau. Beaucoup la désirent et voudraient qu’elle remonte vite en selle et refasse sa vie, parce qu’il faut dire ce qu’il en est : « c’est un bon parti ma petite Tunisie ». On lui présente des prétendants qui jusqu’ alors avaient ignoré sa souffrance et l’ont laissée sombrer dans son chaos. Sauf qu’aucun d’entre eux ne lui convient et n’arrive à trouver grâce à ses yeux, et encore moins ceux qu’on essaye de lui imposer. Elle est obnubilée par leurs défauts et en oublie leurs qualités. Mais elle oublie surtout une chose, ma petite Tunisie, c’est que l’homme parfait n’existe pas.

De nouveau, la routine pointe doucement le bout de son nez, les papillons qui la faisaient virevolter de bonheur se sont envolés, elle se sent seule, désemparée, incomprise, ses blessures sont profondes, et le mot confiance ne fait plus parti de son vocabulaire.

Actuellement, elle se contente, sans grande conviction, de ce qu’il y a sur le marché, mais ne vous inquiétez pas, elle reste sur ses gardes, et ne se fera pas avoir deux fois. L’amour ne l’aveuglera plus.

Et au fond ce qui la fait lever chaque matin du lit, c’est l’espoir qu’elle caresse secrètement de trouver la bonne personne avec qui elle se reconstruira. La personne en qui elle aura confiance, celle qui passera ses intérêts avant les siens, celle qui déplacera des montagnes pour la contenter et qui la fera sentir en sécurité.

Elle rêve d’un avenir meilleur parce que oui ma TUNISIE LE MERITE BIEN.

Maleke Zaher
Ma Tunisie vaut mieux que ça !
Paru sur Facebook le 25 janvier 2011

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Récit d'un moment historique à la place de la Kasbah - Jeudi 27 Janvier 2011 - 20h57

Ce soir, je me suis dirigée à la place de la Kasbah aux alentours de 20h00. J'étais partie avec ma Grande amie photographe Sophia Baraket suite à l'appel d'un autre Grand ami, le Dr Sami Ben Sassi. Je reviendrai au motif de l'appel de Sami dans une prochaine note.

C'était la première fois que je me rendais à la Kasbah depuis le début de la manifestation. J'avais suivi la marche de la liberté depuis son début à travers des contacts sur place mais je ne m'étais encore jamais rendue sur place.

Il y avait de tout à la Kasbah ce soir... Il y avait des regards fatigués, des regards tristes, des regards durs... Je me suis directement assise aux pieds des grévistes de la faim. Nous avons discuté pendant environ une demi heure. Ils étaient d'une douceur, d'une chaleur, d'une profondeur... Je ne les oublierai jamais... J'y reviendrai aussi dans une prochaine note.

J'ai ensuite rejoint Sophia sous une tente. Elle assistait à un débat politique. Des hommes assis en cercle donnaient leurs avis sur les questions actuelles. Ils étaient venus de Rdayef, de Gafsa. Leurs regards à eux étaient beaucoup plus durs. J'ai eu un peu de mal à imposer ma présence au début. Je sentais la méfiance de certains. Puis j'ai commencé à leur poser des questions par rapport à ce qui s'était passé chez eux avant le 14 janvier. On commençait à discuter... Et là subitement on entend des cris à l'extérieur. Le remaniement ministériel ! Et tous demandaient : Ghanouchi ? Ghanouchi ? Est-il encore là ? Et je leur ai dit : Ghanouchi n'est pas le problème, s'il ne reste que lui, on doit s'en réjouir !

J'ai appelé la radio. Tous m'entouraient dans un silence presque mystique. Et je leur transmettais les noms. Comme j'apprenais les noms en même temps qu'eux, je ne pouvais cacher ma joie, je ne pouvais garder mon calme. Et je pense que mon bonheur a été contagieux... Ils me disaient : tu connais tu connais ? Et je disais : Et comment si je connais ! C'est excellent !

Et là, une fois l'appel téléphonique fini, il a commencé à pleuvoir des Mabrouk. Et dans la joie, le premier m'a prise dans ses bras... Je ne l'oublierai jamais. Les autres ont suivi. Tout le monde m'embrassait. Même les plus timides, même les plus durs. J'ai quitté la tente et j'ai couru voir les grévistes. Je leur ai dit : Mabrouk ! Mabrouk ! Vous avez gagné ! Merci pour ce que vous venez de nous offrir ! Et là ils m'ont demandé innocemment : Donc, Ghanouchi qui reste, ce n'est pas grave n'est ce pas ? Et j'ai répondu : Même que c'est excellent !

Ils n'avaient pas la force de se lever. La grève de la faim les avait tellement affaiblis. Je me suis courbée pour les embrasser... Et là l'un d'eux me demande : Alors on peut manger ? Et j'ai répondu : Bien sur que vous pouvez ! Et tout de suite, un jeune homme sorti de nulle part est apparu avec des sandwichs. Des sandwichs au thon plus précisément. Et ils me disent : Mords ! Qu'on partage ce festin ensemble !

Je pense que je ne gouterai jamais plus délicieux sandwich...

Puis un petit jeune, qui avait environ 16 ans est arrivé. Il a crié : Non, nous ne rentrerons pas, Ghanouchi doit dégager ! Et je lui demande : Viens là toi ! Tu sais qui c'est Ghanouchi déjà ? Et il me dit : Bien sur que je sais, c'est le ministre de l'économie ! Et tout le monde rigole...

Les ainés m'ont regardée, ils m'ont dit que je pouvais rentrer, qu'ils s'occupaient d'expliquer aux plus jeunes ce qu'il fallait savoir.

Je suis rentrée avec Sophia. Nous étions Heureuses...

Je n'oublierai jamais ce 27 janvier 2011.

Olfa Riahi
Récit d'un moment historique à la place de la Kasbah - Jeudi 27 Janvier 2011 - 20h57
Paru sur Facebook le 27 janvier 2011

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