Hôtel des mille étoiles

Bientôt dix-sept heures. Le soleil décline doucement et les ombres s’allongent en serpentant dans les dunes. Parvenue dans une cuvette, la caravane quitte la file indienne et s’alanguit, s’étale. Les dromadaires avancent maintenant de front tandis que les chameliers s’interpellent et se concertent. La journée de marche s’achève : nous ferons halte bien à l’abri du vent au bas d’un monticule d’arbres secs et enchevêtrés. Devant nous, Ali creuse le sable du bout de son bâton et nous souhaite « Bienvenue à l’hôtel des mille étoiles ».

En quelques instants les hôtes d’un soir récupèrent leurs bagages à la réception et se dirigent vers l’une des multiples chambres disponibles. Les uns choisissent une touffe de sbot ou de genêt ou encore l’abri d’un dôme de sable coiffé de troncs nains calcinés par le soleil et le vent. Les autres préfèrent le dortoir sous la lourde tente bédouine ouverte plein sud.

Que faire une fois la provision de bois assurée ? Un point GPS, une courte sieste, une brève lecture?…Certes, mais aussi un brin de toilette avec lingettes à volonté, dans l’une des multiples salles de bains à l’écart, auxquelles on accède en grimpant. Au retour, frais et dispos, on rejoindra la cuisine où les mains s’affairent à couper les légumes en « pitits-pitits » morceaux sur la recommandation du chef, Hamed. Tandis que la soupe mijote et parfume l’air, assis en demi-cercle sur les canapés laineux du salon, on prendra une boisson chaude en passant en revue les menus événements de la journée. A la nuit tombante, il suffira de s’asseoir en tailleur ou sur ses talons pour être dans la salle à manger, autour du foyer dispensant chaleur et éclairage. Bichfe, bon appétit. Pour aider au service, il est d’usage que les convives, le repas achevé, plongent eux-mêmes leur couvert dans le sable-lave-vaisselle. On apprend vite !

Quel sera le programme de la soirée à l’ « Hôtel des mille étoiles » ? Eh bien, concert de musique et chants traditionnnels offert par l’orchestre des chameliers-musiciens. Acoustique parfaite et triomphe à chaque prestation. Ensuite.. ? Direction l’observatoire, mais lever les yeux suffira et la pollution lumineuse n’est pas à redouter. Depuis longtemps les constellations se sont mises en place pour leurs figures imposées. Comment s’appelle celle-ci ? Ce sont les jumeaux Castor et Pollux. Et celle-là ? Le superbe chasseur Orion, ses chiens Sirius et Procyon sur les talons, ajustant son arc en direction du Taureau. Et là, cette tache blanchâtre ? Le minuscule chariot formé par les Pléiades, toute une famille réunie au ciel par un Jupiter compatissant. Mais les paupières se font lourdes, les hôtes dissimulent un bâillement. Dans quelques minutes ils seront dans les bras de Morphée, ignorant que leur sommeil sera veillé par une faune curieuse, légère et muette dont ne subsisteront que les empreintes brodant le sable.

Au matin, chacun bouclera son bagage pour une nouvelle étape et yallah nemchou ! Gerboises et souris des sables, minuscules soubrettes affairées, nettoieront les miettes abandonnées et le vent passera un large coup de balai tandis que s’éteindront les lueurs du foyer. Après cet accueil offert à ses clients, des privilégiés, l’hôtel, chaque jour renouvelé, retrouvera sa quiétude. Saheb marhba outil mel nejmat ! Ami, bienvenue à l’hôtel des mille étoiles.

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