Entendez-vous ce que j’entends?

Les conversations

Avant de partir en méharée, Vincent et moi nous imaginions les habitués du Sahara comme des hommes concis et méditatifs, des ascètes de la parole en quelque sorte, qui en raison même de la vie dans le désert s’était départis du besoin qu’ont tant de citadins, à commencer par moi, de parler.

Et bien nous avions tout faux.

Vraiment tout faux.

Si vous saviez.

Jamais nous n’avions auparavant été mis en présence de personnes à la parole si inspirée. On n’a certes pas compris l’essentiel des conversations de Khalifa, Medani et Edy, mais une chose est certaine : nous les avons entendues! Du matin au soir, nos hôtes discutaient sans arrêt. Sans arrêt! Les seuls moments où ils ne parlaient pas correspondaient aux moments où ils étaient seuls ou aux heures de sieste et de sommeil. Autrement, l’air saharien était empli d’un flot ininterrompu et animé de paroles. Loin d’être irrités par cette jasette contagieuse, nous prenions plaisir à tenter, en vain il va sans dire, de deviner le sujet de tant de débats, de gesticulations et de mots. Car à certains moments, soit plus particulièrement lorsqu’ils parlaient tous en même temps, il nous semblait que nos amis parlaient presque malgré eux, comme, finalement, pour emplir l’assourdissant silence du désert de leur présence toute humaine, toute sociale.

Moi qui croyais avoir une grande gueule, voilà que j’ai trouvé mon Waterloo au milieu des dunes. Qui l’eût cru?

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